Auteur : Edouard Vuillemin.

 

Commanditée par le CAF Ouillage, l’étude très attendue destinée à cartographier les activités cérébrales d’un randonneur en activité est sur le point d’être publiée. En exclusivité, l’équipe Rédaction du CAF Clermont a eu le privilège d’interviewer les autrices de cette étude, Émily, responsable du pôle Excel et Houyam, maître de conférence dans la section Sociologie et Topologie.

Moi : Honoré de pouvoir mener cette entrevue. 

Émily : Oui, vous avez de la chance, National Geographic a failli vous griller.

Moi : En effet. Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelles ont été les conditions de réussite de l’étude ? 

Houyam : Nous avons voulu reproduire le cadre authentique d’une randonnée en bivouac. Pour cela, Émily et moi avons feint l’organisation d’un week-end préparatoire en vue d’une rando sur le mont Perdu en juillet. Nous avions besoin d’un échantillon de sujets représentatifs du randonneur français moyen. 

Émily : D’abord, nous leur avons fait croire que ce week-end se ferait sur la Tournette, puis, le mercredi avant, nous avons créé la surprise en prétextant de mauvaises conditions climatiques sur Annecy. 

Moi : Pourquoi avoir provoqué ce changement de programme ? 

Houyam : Les relevés statistiques sont formels : la part des aléas dans l’organisation des randonneurs est significative, il fallait donc qu’un aléa se produise.

Émily : Et donc nous avons choisi le massif du Caroux, en Haut Languedoc. C’est sauvage et il y a beaucoup moins de randonneurs qu’à la Tournette : les interférences entre nos sujets d’observation et d’autres randonneurs étaient ainsi amoindries.

Houyam : Mais ce ne fut pas la seule surprise. L’une des conductrices a eu un pneu crevé : d’où un retard d’une heure. Les sources sur la carte étaient en fait taries : expédition de remplissage de vache à eau au prochain village. Les sangliers se frottèrent à leurs tentes : heureusement, un des randonneurs avait suspendu leurs vivres à un arbre… 

 

  Gorges de Colombières

 

Moi : Et vos sujets ont-ils montré un comportement cohérent avec l’objet de l’étude ? 

Émily : Nous avons retrouvé des « patterns » familiers : débats d’experts sur le meilleur modèle de tente biplace, se prendre en photo dans une grotte troglodyte, se crisper devant les patous, comparer le dénivelé d’Iphigénie avec celui d’OpenRunner, oui, nos sujets ont coché toutes les cases du randonneur médian.

 

Pause au bord de l’eau... et dans l'eau

 

Grottes troglodytes

 

Moi : N’ont-ils jamais suspecté une manipulation de votre part ?

Houyam : Pas du tout, Simone, je vous rappelle que nous sommes des professionnelles !

Moi : Mais, mmmm, je ne m’appelle pas Simone…

Émily : Nous respectons ce que vous dites. Vous pouvez procéder, Simon, n’est-ce pas ? 

Moi : Je préfère Édouard. Bref, revenons à l’étude : à quoi pensent les randonneurs quand ils randonnent ???

Émily : Mon tableur xls est catégorique : un randonneur passe son temps à :

• Papoter avec ses acolytes : 30 %
• Méditer sur ses bobos : 15 % de son temps
• Contempler Dame Nature : 15 %
• Scruter son smartphone : 10 %
• Soigner le rapport de force qu’il va montrer à son chef ou son conjoint : 10 %
• Combler un trou de mémoire : 10 %
• Prendre des photos : 5 % 

Moi : Scruter son smartphone ? En rando ? 

Houyam : Oui, c’est ce qu’on appelle le Complexe du Randonneur. Il mobilise sa charge mentale afin de préparer des randos, il dit fuir les écrans quand il entame sa rando, et il est rivé dessus quand il veut abréger ses souffrances, raccourcir le parcours ou réserver une pizzeria.

Lors du J2 de notre rando, ça n’a pas manqué et grâce à Iphigénie, le groupe s’est épargné 600 m de D+. Il faut dire qu’il avait déjà parcouru 12 km avec 1000 m de D+ lors du J1 et il a fait 16 km avec seulement 400 m de D+ lors du J2.

 

Vers les Gorges d’Héric

 

Moi : Fortes de ces enseignements passionnants, quelle suite envisagez-vous ? 

Émily : Je vais ajouter une colonne à mon xls : l’observation doit continuer lors de la rando du mont Perdu ! 

Moi : Les sujets ne se doutent-ils de rien ? 

Houyam : Vous constaterez que nous n’avons pas divulgué leurs noms.

Émily : Nous sommes des pros, Eduardo, souvenez-vous ! 

Moi : Vivement la suite de votre étude, Mesdames ! National Geographic n’a qu’à bien se tenir !