Restauration de la tourbière de Jouvion.

Le 28.11.2022, par ElisabethV-e55


 

Piques, pinces, pelles, pioches, pugnacité,

chaînes, sécateurs, cisailles, scies, filin, tracteur...

Il ne faudra rien de moins pour débarrasser la tourbière de Jouvion des déchets dont elle est "garnie".

 

Un franc soleil se lève en ce samedi 15 octobre 2022 et c'est bien agréable car nous nous rendons du côté de Chastreix, dans l'espace naturel sensible (ENS) dénommé la tourbière de Jouvion afin d'en extraire le plus possible de déchets. Nous n'avons pas encore d'idée précise de ce qui nous attend !

Philippe, notre partenaire du parc des volcans d'Auvergne, qui a proposé à Luc, le responsable de la commission protection de la montagne pour le club Clermont-Auvergne, cette mission, nous accueille avec café et gâteaux en nous expliquant ce qu'est une tourbière, ses différents aspects en terme de paysages, son évolution dans le temps, la précieuse réserve en eau qu'elle constitue notamment pour l'agriculture et le formidable puits de carbone qu'elle est. Thèmes de haute actualité s'il en est.

 

Luc en a rédigé plus tard un condensé que je vous livre ici :

Voici ce que je peux dire sur une tourbière en général :

- une tourbière est utile sous trois aspects. C'est un lieu de stockage de l'eau. La tourbière restitue le précieux liquide tout au long de l'année et notamment en été. Le niveau d'étiage des cours d'eau en bénéficie. La tourbière est aussi un puits de carbone car les plantes mortes qui s'y accumulent ne peuvent pas se décomposer. C'est intéressant pour l'atténuation du changement climatique. La tourbière héberge aussi des espèces faunistiques et floristiques spécifiques qui contribuent à la biodiversité d'un territoire.

- entretien : un pâturage raisonné permet de conserver une forte biodiversité dans la tourbière. Toutefois, les organisations de préservation de la nature ne cherchent pas à jardiner les tourbières. Leur objectif est plutôt d'amener les tourbières à évoluer naturellement, c'est-à-dire comme elles le feraient sans la présence de l'homme. Ainsi le saule est un hôte naturel des tourbières matures mais pas l'épicéa. 

- vie d'une tourbière : l'image classique est que la tourbière démarre dans une zone marécageuse, alimentée par un ruissellement d'eau. La végétation est alors celle d'un bas marais. On y trouve typiquement le trèfle d'eau, le fraisier d'eau (qui développe les tremblants, ces radeaux flottants), la sphaigne. L'accumulation de tourbe amène la tourbière à s'élever, le haut marais apparaît. Il n'est alimenté que par l'eau de pluie. On y trouve typiquement des espèces de sphaignes qui tirent toute leur subsistance des précipitations du ciel. Enfin des arbustes apparaissent, puis la forêt se développe. Les études des végétaux présents dans des carottages faits en tourbière mettent souvent en défaut cette évolution linéaire. Elles montrent qu'il y a des va-et-vient entre les différents stades d'une tourbière. 

 

Sur notre intervention à la tourbière de Jouvion :

La tourbière s'est créée dans une zone de surcreusement glaciaire. Elle est située en bordure, mais en-dehors, d'une zone d'écoulement de lave. Nous avons eu la chance d'observer deux magnifiques bruants sur le chemin d'accès à la tourbière. 
La décharge sauvage que nous avons nettoyée se situait dans un "trou à tourbe" (une zone d'ancienne exploitation de la tourbe). 

 

C'est donc en sautant de touradon en touradon que nous accédons à l'endroit où gisent çà et là depuis plusieurs décennies des déchets agricoles, mais pas seulement ! En chemin, Catherine, une de nos spécialistes, explique de quoi sont faits ces touradons :

La Molinie (Molinia caerulea) : c'est le nom de la graminée un peu bleue que nous voyons et qui forme des touffes qu'on appelle aussi des "touradons" en terme de morphologie botanique, ou encore des "touffes vigoureuses". On peut avoir des touradons de Carex ou de Molinie. A la tourbière du Jouvion, ce sont des touradons de Molinie. 

NB : en pratique, la dénomination "touffes vigoureuses" prête à sourire mais s'avère bien salvatrice lorsqu'on parcourt la tourbière, car c'est bien la vigueur de ces touffes qui nous permet de garder les pieds au sec en sautant de l'une à l'autre !

Voici également la prose de Catherine à l'instant musical de la journée : nous entendons les chants d'une petite bande de bruants jaunes, qui n'est absolument pas effrayée par notre troupeau de bipèdes, avançant pourtant d'un pas bien décidé à débarrasser la ripisylve et la bordure de la zone tourbeuse de haut marais de déchets vraisemblablement accumulés depuis les années 1950 ! 

Je vous disais donc : des déchets agricoles... mais pas seulement... la réalité que nous découvrons au fur et à mesure de notre avancée dans la tourbière dépasse très largement ce que nous imaginions ! C'est quelque peu déroutant car nous n'apercevions que "la partie immergée de l'iceberg" en découvrant une poignée de portière de voiture par exemple ou d'autres petits bouts de métal et nous en sommes abasourdis mais chacun trouve vite son rôle au sein d'équipes de trois ou quatre personnes pour travailler d'arrache-pied si je puis dire ! Nous travaillons intensément pour extraire des tas d'objets "inconnus de nos services" pour certains, pompes métalliques, bidons en plastique énormes, matelas, sommier et autres encombrants.

 

La pause déjeuner nous réunit autour d'une expérience menée par des scientifiques : il s'agit d'étudier l'échéance à laquelle se reconstitue une tourbière. Catherine en résume ici les enjeux et  attentes :

Une mare (ou un trou d'eau) de forme ronde est réalisée par les scientifiques pour évaluer la vitesse de reconquête du milieu par la sphaigne. Ici, elle a été faite à faible profondeur il y a plus de 10 ans, dans la zone de haut marais pour n'être remplie que par de l'eau de pluie. On peut y observer une recolonisation naissante par deux espèces de sphaignes : l'une qui commence à former des radeaux (tapis vert flottant en bord de mare) et l'autre un peu plus rouge qui commence à pousser sur les tapis verts et peine à s'implanter sur les talus périphériques de la mare. Bilan : plus d'une décennie pour commencer à revoir, sur quelques mètres carrés seulement, de la "tourbe active", à savoir un histosol qui commence à se régénérer. Ces trous d'eau permettent aussi de casser la monotonie du milieu et de recréer une mosaïque d'habitats, notamment pour les larves de libellules (larves d'odonates).

 

 

Le repas terminé, nous reprenons le travail. Il ne nous reste rien moins qu'une carcasse de voiture... Trop lourde bien qu'elle soit très incomplète et trop profondément insérée dans la tourbière, nous devons faire  appel à l'agriculteur pour qu'il la hisse à l'aide de son tracteur sur la terre ferme. Cela prend un certain temps car celle-ci se délite au fur et à mesure qu'on la tracte. 

Pendant ce temps, d'autres reviennent vers une portière récalcitrante située plus loin. Elle est enterrée presque horizontalement sous un gros rocher, lui même enserré sous un arbre et qui, malgré nos maints efforts pour la dégager, nous nargue : "je vais rester ici". Mais c'est sans compter sur notre détermination et elle ne passera pas la nuit ici car ce n'est pas toujours la matière qui gagne ! Grâce à une petite pioche au long manche, nous la dégageons par en dessous et elle va rejoindre le tas énorme... d'immondices collectés. Nous rebouchons le trou et la nature nous remercie !

Nous ramenons notre collecte fructueuse hors de la tourbière et elle gît maintenant près du parking. Nous la chargeons sur le pick-up et l'arrimons pour son transport à sa dernière demeure : la déchetterie.

 

Cette belle journée d'efforts, de partage et d'échanges entre les pratiquants des diverses activités du club (Alain, Anne, Baptiste, Bernard, Catherine, Gilles, Guillaume, Luc ainsi que quelques jeunes venus prêter main forte et moi-même), se termine par le pot de l'amitié au cours duquel Philippe nous adresse un grand merci.

 

 Recueil des écrits de Catherine et de Luc sur les spécificités relatives à la tourbière et récit de la journée par Elisabeth.

 Photos de Bernard, Luc et Philippe.

 

 

 

 

 

 


 
 

Recherche :

Agenda

Désolé, il n'y a pas de sortie à venir pour cette commission...


25 sorties dans d'autres commissions :

Ven 19/04 | Escalade

Robert Pras escalade adultes 19h-21h (horaire vacances)

Sam 20/04 | Randonnée Montagne

Thiers Notre Dame de l'Hermitage

Dim 21/04 | Marche nordique

2ème edition de la BRIVANORDIC

Dim 21/04 | Escalade

Escalade initiation Rivalet

Mar 23/04 | Escalade

Robert Pras escalade adultes 19h-21h (horaire vacances)

Mer 24/04 | Marche nordique

LE PUY DE GOURDON

Ven 26/04 | Escalade

Escalade (Couenne) Tous niveaux THAURAC -Autonome-

Ven 26/04 | Escalade

Escalade (Couenne) Tous niveaux THAURAC -sortie club-

Ven 26/04 | Escalade

Robert Pras escalade adultes 19h-21h (horaire vacances)

Sam 27/04 | Marche nordique

Tinlhat/Turlurons

Mar 30/04 | École d'escalade

Robert Pras Ecole d'escalade 18h-19h15

Mar 30/04 | Escalade

Robert Pras Escalade Adultes 19h15-21h/22h

Mar 07/05 | Alpinisme

Course d'arêtes dans le Vercors

Mar 07/05 | Ski de rando alpine

Ski Alpi Alpes [COMPLET]

Mer 08/05 | Randonnée Montagne

Les montagnes du Haut Languedoc au printemps (niveau 2) (COMPLET)

Ven 17/05 | Ski de rando alpine

Ski Alpi Alpes - La der [COMPLET]

Ven 31/05 | Multi-activités

Le Malzieu pour Tous, 150ans du Club et de la FFCAM

Ven 14/06 | Randonnée alpine

RANDO ALPINE EN VANOISE SAMEDI 15 au LUNDI 17 JUIN/Pour initiés

Sam 29/06 | Multi-activités

Chadieu pour tous, 150ans du Club et de la FFCAM

Sam 06/07 | Sortie annulée

Pointe Francessetti (3425m)

Jeu 01/08 | Randonnée Montagne

Tour des Cerces et Thabor - Niveau 3+

Lun 05/08 | Randonnée Montagne

Traversée du Beaufortain (Niveau IV) 6 jours/nuitées en refuges

Sam 24/08 | Randonnée Montagne

La Haute Traversée Sud de Belledonne & ses variantes– itinérance refuges NIVEAU 3+

Ven 27/09 | Multi-activités

Montagne Bourbonnaise pour Tous, 150ans du Club et de la FFCAM

Dim 02/02 | Marche nordique

Romagnatoise/Nordix

> Voir toutes les sorties