Auteur : Serge Charmet, avec la participation de Damien Baudon – le 29/03/2016
C'est parti pour deux jours (les 12 et 13 mars) dans le massif du Mont Blanc pour cinq skieurs-alpinistes qui ont quitté leur terrain de jeu habituel et les pentes du Sancy pour un périple en altitude, avec pour objectif principal le passage de la brèche Puiseux dans le massif du Mont Blanc.
Après une nuit dans les couchages du CAF d'Annemasse, idéalement placé sur l'itinéraire pour un départ matinal en direction de Chamonix, nous prenons une benne pour l'Aiguille du Midi, sans trop attendre malgré la fréquentation du lieu et la foule de skieurs pour la Vallée Blanche.
Les conditions météo sont idéales : soleil et pas de vent.
A la sortie de la benne, l'arête est équipée pour sécuriser l'approche de la zone de départ, où nous chaussons les skis pour commencer la descente. Le panorama est absolument grandiose. Nous nous retrouvons rapidement seuls - Claire, Bertrand, Didier, Damien et moi - sur l'itinéraire de descente du « Grand Envers » qui doit nous amener au pied du glacier de l'Envers du Plan que nous projetons de remonter jusqu'à l'Aiguille du Plan, histoire de nous mettre en jambes avant la brèche Puiseux prévue le lendemain.
Cette première partie de descente se fait prudemment : nous sommes attentifs aux trajectoires sur des pentes parfois raides dans ce décor à l'immensité impressionnante.
Les pentes de l'Envers du Plan ne sont pas tracées, ce qui est improbable et inespéré ! Après quelques instants de réflexion, nous collons les peaux pour commencer la montée vers l'Aiguille du Plan, avec la vue dégagée sur une partie de l'itinéraire du lendemain, au bout du glacier des Périades où l'on devine le départ de la brèche Puiseux.
Damien et Didier, encordés, se relaient pour la trace. L'altitude pèse dans les jambes, mais nous progressons sûrement sur le glacier, avec la Dent du Requin qui domine l'arête rocheuse. Le final, pour arriver au pied du rocher qui mène à l'aiguille, est magnifique avec la vue sur les pentes verticales de l'Aiguille du Midi et la vallée de Chamonix.
Pause déjeuner pour recharger les batteries et nous tentons, encordés, de passer les rochers pour gravir l'aiguille. Tentative infructueuse. La voie n'est pas évidente et les cumuls de neige compliquent la progression. L'horloge tournant, il est préférable de commencer la descente en direction du refuge du Requin.
Belle descente sur notre itinéraire de montée. L'Envers du Plan est maintenant tracé par des skis auvergnats ! Nous rejoignons l'itinéraire qui nous amène au refuge du Requin, où bières locales et thé apportent le réconfort toujours apprécié après une bonne sortie. Accueil très sympa, le refuge est peu fréquenté, avec une vingtaine de personnes pour la nuit, et la blanquette de veau est délicieuse.
La température est un peu fraîche au moment du couchage, mais la chambre se réchauffe naturellement, et la nuit est calme et reposante (merci encore, Didier, pour les bouchons d'oreilles, je ne les oublierai plus jamais...)
Réveil et petit déj pour un départ aux environs de 8h et une courte descente qui nous fait passer sous les séracs du Géant, puis traversée de la « salle à manger » avant de commencer l'ascension sur la gauche du glacier des Périades. Les traces des jours précédents sont glacées et dénivèlent fortement, à l'ombre des aiguilles des Périades et de la Dent du Géant. Les effets de l'altitude sont toujours présents, mais les organismes semblent un peu mieux s'en accommoder, alors que nous arrivons au détour d'un rocher au pied de la brèche.
La pente est comme sur les vidéos, impressionnante avec 250 m à 45°. La qualité de la neige permet une progression assurée, droit dans la pente jusqu'au sommet. Crampons et piolets s'ancrent fermement dans la neige durcie, à chaque pas, pour parvenir au bord de la brèche à 3400 m. Le lieu est fort heureusement peu fréquenté à cette heure matinale, ce qui nous permet d'apprécier le paysage, tout en nous préparant sans tarder pour le rappel d'une cinquantaine de mètres, entre neige et rochers, qui doit nous descendre sur le glacier du Mont Mallet.
Une courte pause déjeuner au soleil sous les aiguilles des Périades et nous remettons les peaux pour nous réchauffer en direction de l'aiguille de Rochefort. Seulement quatre ou cinq traces de skieurs avant nous sur l'immensité du glacier Mallet ! Les cuisses sont très lourdes pour certains d'entre nous et la progression est lente. L'effort pour monter jusqu'à la brèche, conjugué à l'effet de l'altitude, a laissé des traces dans les organismes, et il faut garder de l'énergie pour la descente.
Le groupe se scinde en deux pour permettre à ceux qui ont encore suffisamment d'énergie de monter le plus haut possible sur le glacier du Mont Mallet. L'heure tournant, nous n'aurons que le temps d'apercevoir la rimaye barrant l'accès à l'aiguille de Rochefort, et nous nous rejoignons tous ensuite pour entamer la descente finale. Le Cervin sort des nuages au loin. Nous sommes sous les Grandes Jorasses. Il est difficile de réaliser l'échelle de cette montagne dont la masse imposante va nous accompagner sur cette première partie de descente.
La pente s'adoucit à l'approche de l'itinéraire de la Vallée Blanche et nous passons sous les refuges de Leschaux et du Couvercle qui surplombent le glacier de Leschaux. La descente touche à sa fin et nous rejoignons les autres skieurs sous la gare du Montenvers pour un crapahut dans la foule, contraste absolu avec le calme de ces deux journées de randonnée, jusqu'à la buvette des Mottets, où nous chaussons une dernière fois les skis pour rejoindre Chamonix par le chemin forestier sur le peu de neige qui reste.
Grosse fatigue à l'arrivée, bonne bière et vin chaud avant de nous séparer avec la satisfaction d'avoir passé deux magnifiques journées dans ce décor grandiose du massif du Mont Blanc, avec de belles sensations entre alpinisme et ski de randonnée.