Auteure : Myriam Renard (avec la participation de Marc Bertaud).

 

 

Jusqu’au dernier moment, nous avons hésité sur le lieu : canicule en Espagne, orages en Italie, sécheresse et restrictions en France... On finit par choisir le Haut Piémont italien, à l’est du mont Rose, dans la région du val d’Ossola connue pour ses canyons alpins et aquatiques à ne faire, pour certains, que par niveau bas. C’est donc l’année idéale pour aller les découvrir. A noter que ces canyons magnifiques, ainsi que la vallée en général, restent peu exploités. Explorée méticuleusement par des Français de Nîmes et Montpellier depuis 30 ans, la vallée regorge de pépites encore peu fréquentées.

 

Camping Yolki Polki.

 

Samedi 30 juillet 2022, alors qu’Albert, Christine et Marc B prennent la route, Irène, Erik et François, arrivés la veille, se mettent en jambes dans le petit canyon de Bognanco, à deux pas du camping. La marche d’approche est difficile car le sentier est inexistant. Le canyon est court, mais deux beaux rappels aériens et arrosés font digérer l’approche sportive. 

 

Dimanche, les six réunis se lancent dans le canyon de Rasiga supérieur, une jolie gorge profondément taillée dans le gneiss, comme les aime François. Le groupe sortira tardivement de ce canyon exigeant et ne regagnera le camping qu’à la nuit.

 

Rasiga, 31 juillet.

 

Le lendemain lundi 1er août, ce sera donc, pour le groupe déjà sur place, grasse matinée puis la partie finale du magnifique Isorno, alors que Franck S. et moi (Myriam) devions prendre la route. Malheureusement, une panne moteur de Franck m’oblige à terminer seule le voyage. Isorno est certainement un des plus jolis canyons de la région : court mais dense, taillé à coup de sabre dans la falaise. Verticales et sauts s’enchaînent dans un environnement parfois spéléo. Ambiance garantie ! 

 

Isorno, 1er août.

 

 La sortie du canyon à base d’escalade de barres à mines et de funambulisme sur barrage a rallongé à nouveau le temps. 

 

Isorno, 1er août.

 

Peut-être est-ce à cause des flammes du chalumeau utilisé ce soir-là au camping pour gratiner la croziflette, de nos combis de plus en plus nombreuses à sécher au milieu du paysage idyllique, de la joie bruyante de se revoir – presque - tous réunis, parce qu’on appuyait sur tous les boutons de ce foutu système de douche électronique ou encore parce que Marc n’aurait pas dû nettoyer le siphon de l’évier ?  Nul ne saura exactement pourquoi la fin de soirée se termine par une prise de bec avec le surveillant général du camp : «Tu n’es pas chez toi, tu es invité ici !»... *

 

... au chalumeau.

 

Mardi : Albert et Irène décident d’aller faire une journée découverte culturelle locale : manger une entrecôte-frites et aller au supermarché. Christine, Erik, François, Marc et moi découvrons alors le magnifique canyon de Val Bianca. Christine commence par sortir l’adhésif américain pour redonner jeunesse à ses chaussures défoncées et essayer de battre le record des précédentes chaussures d’hiver d’Albert (12 ans). Christine s’est albertisée : AR, c’est plus qu’un sigle, c’est un état d’esprit. La première partie est faite de successions de toboggans ludiques, de sauts dans des vasques limpides dans un bel encaissement. Puis, changement de thème dans la deuxième partie abrupte, ouverte sur la vallée, enchainant sans discontinuité de grandes verticales et une vasque suspendue. Sur le chemin du retour, la dernière cascade se termine sur un siphon facultatif, ludique ce jour, mais qui doit être compliqué par grand débit. On s’installe en terrasse pour le rituel quotidien d’une glace italienne. Parfum carotte, violette, curcuma et spiruline sont aussi proposés à la carte des glaces de ce petit village perché ; il faudra y revenir avec Irène, adepte du jus de pomme-bergamote bio. 

 

Mercredi, l’équipe enfin réellement complète, nous découvrons le beau canyon de Lasino Médian et Inférieur. La marche d’approche abrupte nous fait tellement monter dans les tours que Marc finit par voir des images psychédéliques sur les bras de François (chacun ses fantasmes). Première partie verticale, technique, avec un petit relais suspendu dans un trou de spéléo. On a du mal à imaginer ce passage par gros débit. Deuxième partie, aqualand : on s’amuse comme les gosses du coin. Sur le conseil d’un local, on termine par un toboggan fusée bien vertical d’une dizaine de mètres, ainsi que de multiples sauts seul ou à plusieurs. Y’a même des baigneuses à l’arrivée pour Tic et Tac…

 

Lasino, 3 août.

 

Jeudi, après moult discussions sur les débits et risques d’orage, on décide de refaire le beau Val Bianca avec Albert et Irène. Nous y croisons un groupe de jeunes Allemands bien sympas. Irène, bilingue, nous précède avec eux chez le glacier, ce qui nous vaut de leur part un « c’est formidable de faire encore ça à votre âge ! » qui reste encore au travers de la gorge de François.

 

Val Bianca, 4 août.

 

Sur le chemin du retour, on s’arrête au Rio di Variola (rien à voir avec celle du singe) pour s’informer sur le débit de ce canyon engagé auprès d’un groupe de Français (Marc, pourquoi tu leur parles en anglais ?). Bonne surprise : ce sont les ouvreurs en personne, le groupe du Spéléo Club de la Vallée de la Vis qui a entièrement ouvert la vallée et rédigé le topo (excellent d’ailleurs). Nous faisons dédicacer ce dernier par les quatre anciens fondateurs. Puis, notre sympathique discussion est clôturée par une jeune Nîmoise, ravissante ingénue, au visage encadré par d’innocentes boucles blondes, qui conclut droit dans les yeux par un tonitruant : « Bon, on y va ou on s'embrasse**? » ** François en fait une apoplexie.

 

Vendredi, découverte du canyon de Rio Mondelli médian, officiellement pour y trouver de grands toboggans, en réalité parce qu’Irène espère y retrouver ses Allemands. Petit coup de stress sur la toute première grande cascade car on y passe un temps fou alors que l’orage menace. Finalement, le retard est rattrapé : on rappelle, on saute dans des vasques d’eau turquoise et limpide, on toboggue et on termine sous une percée de ciel bleu. Christine, Marc et moi sautons dans la dernière vasque depuis une avancée de la passerelle, tels des pirates sur la planche. 

 

Mondelli médian, 5 août.

 

On écourte le pique-nique en raison de l’orage qui éclate et on se rhabille aussi chaudement qu’on peut car la température chute brutalement. C’est l’occasion pour tous de jalouser mon poncho-peignoir de surf hyper pratique : on a chaud sous l’orage, on a la grande classe, et en plus, finies les rangées de lunes au bord de la route. 

 

 

Mondelli médian, 5 août.

 

Enormissime merci et grand bravo à tous pour cette semaine de bonheur pur, tout spécialement à François qui a organisé tout ça (merci) et a été l’un des deux seuls avec Erik à enchaîner les sept canyons (bravo, c’est formidable de faire encore ça à ton âge !).

 

 

Laissons juste Marc (jamais blasé après tant d’années) nous résumer la semaine : météo presque parfaite, autochtones hyper accueillants à l'égard de cette activité finalement très peu développée dans ce paradis pour canyonistes, personne dans les canyons. De magnifiques découvertes pour nous avec une belle variété de conditions (eau vive, verticales, étroitures) et ce gneiss si propice aux formes d'érosion délicates assez similaires à celle de son voisin le Tessin. Un groupe d'amis, homogène, des bons moments de convivialité, de la bonne bouffe, pas de tensions et surtout pas de blessure. On n'a pas eu assez de sept jours pour faire le tour de la question mais on s'est promis d'y retourner très vite. Une mention spéciale pour le canyon d'Isorno qui nous a subjugués.

 

* Surveillant général qui conclura finalement notre séjour par une ferme poignée de mains et un franc « à l’année prochaine ! »

** Libre traduction d’une expression spéléo locale.